La sérénité d'une guitare acoustique, la fougue des percussions et un timbre de voix aux milles nuances : Tias a façonné un style, une musique exaltante réunissant l'ardeur du maloya, et une énergie pop-folk au service de textes forts et engagés. Comme si Tracy Chapman s'était amourachée de -M- et Jacques Brel. Une chanson audacieuse qui le place comme l'un des artistes les plus novateurs de la scène réunionnaise.
Tias, de son vrai nom Mathias Vienne, a pris l'époque à contre-pied. On demande de rentrer dans le rang et d'être lisse. Lui, a choisi ce cocktail détonnant qui ne permet pas de le cantonner dans une case. Le chanteur, également auteur et compositeur, jongle savamment entre les multiples facettes de sa personnalité pour raconter la diversité de son île, qu'il a chevillée au corps et à l'âme. En découle une musique fusion, comme un symbole éclatant de son parcours à la fois libre et tortueux.
Des rivages enchanteurs de la Réunion aux bitumes haletants de la région parisienne, Tias a toujours su se bonifier par des rencontres artistiques fécondes. A ses débuts il y a un peu plus de six ans, le chanteur a été guidé par les précieux conseils de Jean-François Delfour, réalisateur sur l'immortel premier album de MC Solaar, puis par ceux de Frédéric Kocourek, plume pour Yannick Noah. C'est surtout avec Jean Fauque, parolier d'Alain Bashung et de Johnny Hallyday, que le Réunionnais passe un cap dans la création de ses textes. Tias a aussi été accompagné par Francis Cabrel, rencontré lors d'une résidence d'écriture très vite devenu un modèle par sa carrière et sa personnalité inspirante.
L'homme manie ses paradoxes, sa singularité. Il n'hésite pas à convoquer des influences diamétralement opposées pour offrir une musique à son image, lui qui revendique des aïeuls malgaches, mozambiquais, et européens. Il en résulte un syncrétisme vibrant, un univers mêlant l'impétuosité poétique de Tété, la douce et dévorante folk d'un John Butler Trio et la souplesse de rythme évoquant Sufjan Stevens. Tias perfectionne ce subtil équilibre chaque jour et termine la réalisation de son troisième album, Liens. Une création emplie d'une mélancolie positive, grâce à un assemblage savant de guitares, de percussions traditionnelles réunionnaises, d'un Weissenborn ou d'un harmonica afin de porter ses textes conscients. Une nouvelle étape, mais une envie intacte de porter, à l'instar de son territoire natal, un message humaniste questionnant notre rapport au monde et à l'autre.
Guillaume Vénétitay